Un texte du coeur

Je reçois souvent des commentaires, parfois directs, parfois déguisés, insinuant que nous sommes en compétition avec d’autres refuges. Certaines personnes semblent penser que si elles soutiennent un refuge, elles doivent le “défendre” ou lui être fidèle à 100%. C’est ok d’être fidèle à leur cause et de ne donner qu’à ce refuge. Toutefois, il est vraiment erroné de penser que nous sommes en compétition les uns avec les autres. Chaque refuge de la région a sa propre mission et chacun se démarque. Personne n’est “meilleur” ou plus “valeureux” que l’autre. Absolument chaque refuge à sa place. La plupart d’entre nous collaborons ensemble pour essayer de placer tous les animaux, même si nous n’avons plus de place. On s’échange souvent du matériel et on s’offre parfois même des surplus de dons, afin de s’entraider. 

Par exemple, mon sanctuaire prend tous les animaux, pas seulement ceux trouvés errants ou malades. Pourquoi? parce je sais trop bien que certains animaux refusés, au moment où leur situation n’est pas encore trop mauvaise, pourraient se retrouver abandonnés dehors (ou pire, tués) par faute de ressources. Ou bien encore, faire 5 familles en quelques mois. Je n'attends pas que l’animal soit en danger avant de réagir. Voilà tout. Je travaille dans le milieu animalier depuis assez longtemps pour savoir ce qui peut arriver et je ne prendrai pas le risque que cela arrive. Je ne critique pas non plus ceux qui ne les acceptent pas. Je dis simplement que, voilà, tous nos refuges ont leur place.

Inutile de nous comparer, nos missions sont bien différentes, mais toutes bien importantes! Les refuges de villes prennent les chiens et les chats, la petite fermette les animaux handicapés ou en situation d’errance, Pageau les animaux de la faune et moi, je prends ceux qui reste! 

Et non, je ne pousse pas les adoptions à tout prix, pourquoi? Parce que les animaux comme les lapins sont extrêmement fragiles et peuvent mourir très rapidement faute de soins appropriés. Je m'assure donc de bien choisir les familles et surtout de leur éviter, le plus possible, de se faire relocaliser à plusieurs reprises. Ce sont des animaux très sensibles au stress. Oui, je pose beaucoup de questions et non, un animal ne sera pas envoyé dans une nouvelle famille si je ne suis pas certaine des soins qu’il y recevra. De plus, je ne reçois pas beaucoup de demandes d’adoptions, les gens veulent souvent des bébés ou vont juste acheter en animalerie et ne se donneront pas le mal de répondre à mes questions. Mais ceux qui se donnent la peine, après discussion avec moi, se rendent parfois compte que ce n’est finalement pas un animal pour eux et me remercient d’avoir pris le temps d’en discuter avec eux et de leur avoir évité de prendre un animal qui ne leur convenait pas.

Il est bien facile pour vous de critiquer, mais savez-vous toute l’énergie nécessaire au roulement d’un refuge? Savez-vous le nombre d'heures que j’y mets en une semaine? J’ai un travail à temps plein, les heures du sanctuaire s’y ajoutent. C’est entre 25 et 30 heures semaines que je mets, simplement pour les soins aux animaux. Cela n'inclut pas la comptabilité, l’énergie mise sur nos réseaux sociaux pour tenter d’attirer des donateurs, toute l’énergie mise à montrer des documents de commandites qui, bien souvent, ne mène nulle part, car les animaux, ce n’est pas dans leur critères de commandites, etc. Et ce, sans rémunération. En fait, je sors beaucoup d’argent de ma poche pour m’occuper des animaux que les autres n’ont pas eu la responsabilité de bien prendre soin. Le bien-être animal, ce n’est pas une priorité pour grand monde et il existe très peu de ressources. C’est très difficile de trouver des fonds lorsqu’on n’a pas un contrat de chiens et de chats provenant d’une ville. 

C’est un travail souvent frustrant, autant parce qu’on se fait constamment dire non, mais aussi parce qu’on voit parfois des choses horribles… Des animaux qui arrivent dans des conditions épouvantables. Ton cœur est  brisé quand tu les vois arriver, tu leur donne tout ce que tu peux, tu reçois les commentaires des gens parce qu’ils font pitié, certain appels le MAPAQ, qui eux viennent faire des visites le matin, tu dois manquer le travail, tu perds des revenus, tu dois payer ton vétérinaire pour qu’il te fasse un rapport écrit des directives orales qu’il t’avait donné. Tu paie les frais vétérinaire pour soigner cet animal, et tu réussis à lui offrir quelques années de plus, et parfois non. Mais bon, il faut continuer. Les gens peuvent aussi être très cruels envers les autres et causer beaucoup de problèmes, comme ça été notre cas l’été dernier. Puis on perd des animaux, il est certain qu’en ayant 70+ animaux, on en perd plus souvent que Ginette, qui a 2 chats… Parfois l’animal a tellement manqué dans sa vie qu’on ne peut pas défaire le mal qui a déjà été fait, parfois ce sont des animaux avec une mauvaise génétique, car ils ont un trop haut coefficient de consanguinité et parfois, c’est simplement de la malchance, des accidents, qui arrivent à tout le monde! Alors tu as un lapin qui t' adore qui s’étouffe avec une granule de nourriture et qui meurt dans tes bras malgré tout ce que tu essaie pour la déloger. Tu pleures ta vie, tu t'excuse de pas avoir réussi, tu l’enterre avec des fleurs et tu continues, parce que les 70 autres ont besoin de toi. On ajoute aussi les morsures, griffures, coup de sabot, coup de corne et j’en passe. Il faut beaucoup de patience pour gagner la confiance de certains cocos <3. Puis on doit aussi composer avec des prédateurs qui peuvent attaquer les animaux ou briser les clôtures. Puis les petits tannants qui brisent les clôtures, qu’on doit courser sur quelques kilomètres. Généralement, cela arrive après une longue semaine de travail, lorsque tu es déjà épuisé, alors tu pleures, t’en peux plus! Puis tu essuies tes larmes et tu vas réparer ta clôture. Puis les animaux malades qu’on doit soigner à toutes heures du jour et de la nuit. Tu pars plus tôt le matin, avant le travail pour aller faire les soins, puis sur ton heure de dîner et enfin le soir. Ce n’est pas que du beau! Oh et est-ce que je vous ai parlé du caca? parce que c’est la partie principale de ton travail, ramasser, nettoyer, te faire faire caca ou pipi dessus. À un moment, ça devient ton quotidien, tu y es habitué et tu te surprend à fouiller dans du caca parce que tu penses avoir vu quelque chose d’étrange et tu le prends en photo pour ton pauvre vétérinaire qui recevra une photo de crotte sans avertissement hihi!

Je passe mon temps libre à lire des livres de médecines vétérinaires, des livres de comportement animal ou à visionner des formations diverses sur les animaux. Tout cela afin d’être plus compétente pour prendre soin des animaux que les autres ont abandonnés et pouvoir mieux détecter les problèmes. Aussi, pour leur offrir le meilleur espace de vie possible. Quand je les vois s’épanouir et sortir de leur coquille, je sais que ce que je fais compte, pour eux en tout cas. Le sanctuaire est le centre de ma vie, j’y consacre pratiquement tout mon temps! Je n’ai pas beaucoup d’aide, je m’occupe de tout toute seule. Je ne pourrai jamais remercier assez mes parents pour toute l’aide qu’il me donne alors qu’ils n’ont jamais signés pour ça et que ce ne sont pas des fous des animaux comme moi. Sans eux, je n’y arriverais pas, je serais vraiment toute seule.

Je ne suis pas parfaite, J’ai encore beaucoup d’améliorations à apporter, mais je fais de mon mieux avec ce que j’ai. Et le simple fait d’essayer de faire mieux, c’est déjà bien plus que la moyenne des gens. Absolument personne n’a commencé dans des locaux merveilleux avec des installations parfaites. Tout le monde commence petit et améliore avec le temps! Et c’est ce que je fais. Jamais de ma vie je ne pensais avoir un refuge un jour, il m’est juste tombé dessus, voilà tout!

Alors avant de critiquer, feriez vous ce que je fais toute seule depuis maintenant 4 ans? Prendriez-vous ma place? Ce que j’aimerais pour la suite, c’est plus d’aide et moins de chialage :P