Voilà un terme qui est bien trop utilisée dans le monde des chevaux: le rapport dominé/dominant. Il sert souvent comme prétexte par les cavaliers pour expliquer leur violence envers leur animal… « Il faut lui montrer qui est le boss ». Ce rapport de force que l’homme impose au cheval, un animal pourtant bien plus fort et grand que lui, ne lui laissant aucun droit d’expression ou de discussion.
Voilà le problème, on veut être le boss et non pas un guide! Un guide accompagne, il n'impose pas! Il travaille en équipe, demande l’avis des autres et les écoutes, parfois il concède, parfois non. Mais l’autre a le droit d’exprimer son opinion sans se faire réprimander, comme le ferait un « boss ». Le « boss » dicte les règles, dicte ce que le subordonné doit faire, n’écoute personne, regarde les autres faire le travail et s’attend à ce qu’on lui obéisse à la lettre. C'est un comportement qui part bien souvent de l'égo.
Et puis voilà, quand on dit que le rapport dominant/dominé n’est pas si exceptionnel et indispensable que ça, on se fait dire que c’est comme ça que ça marche entre chevaux. Oui… Mais non, pas exactement. Plus les recherches avancent, plus on se rend compte que c’est bien plus que cela. La hiérarchie entre chevaux n’est pas pyramidale, tel que les gens pensent (alpha, beta, etc.). En réalité, les chevaux interagissent entre eux d'individu à individu et non pas par rapport à son "rang" dans la supposée pyramide sociale. Par exemple, nous avons une jument qui était toujours la plus "forte", elle tassait tous les autres. Puis une autre est arrivée, elle déplace notre plus forte, mais une des plus "faible" la déplace. De plus. la relation entre chevaux est en constante adaptation. N'avez-vous jamais remarqué une jument qui ne veut rien savoir d'un des mâles, puis soudaienement, elle est en chaleur et ce dernier devient son meilleur pote? Puis une fois les chaleurs terminée, finito pepito... Il redevient persona non grata. Puis un jeune cheval grandit, et prend doucement une place plus importante dans la harde, jusqu'à ce qu'un autre cheval décide qu'il veut lui aussi prendre plus de place. Puis certains chevaux peuvent être plus ou moins imposant dépedemment de comment ils se sentent. Le statut d'un cheval peut changer du jour au lendemain s'il tombe malade, mais il peut reprendre son statut dès son retour en forme, ou pas. Bref, la hiérarchie pyramidale n'existe pas et surtout, elle n'est ni fixe, ni défini, elle est évolutive de jour en jour.
Et si on veut vraiment se justifier avec la nature du cheval, Il faudrait d'abord savoir de quoi on parle. éIl n’y a pas qu’un seul « dominant » dans les hardes sauvages, l’étalon joue son rôle (protection du troupeau et géniteur en chef) et certaines juments en joue un autre(diriger les activités du harem, génitrices en chef). Certaines juments n'ont pas le droit d'être accouplées par l'étalon principal. Dans certains troupeau, il y a plus d'un étalon. Ces derniers protègent aussi le troupeau, mais se tiennent plus à l'arrière du groupe. Ce sont généralement les juments les moins haute qui s'accouplent avec ces étalons. De façon générale, sans trop se faire remarquer des plus hauts gradés. Si le troupeau est petit et qu'il n'y a pas plus d'un étalon, les juments les plus faibles iront faire une "p'tite vite" avec un étalon satellite. Ces étalons ne font pas partis du troupeau, mais se tiennent généralement pas trop loin. Toujours prêts à saisir une opportunité, si elle se présente. Ils vivent généralement en "batchelor band", un petit groupe d'étalon célibataire.
Plus les études avancent sur l’éthologie équine (animale en générale même), plus on se rend compte que la hiérarchie n’est pas un rapport « dominant/dominé » comme on le croyait à la base, on préfère maintenant parler d’ordre social ou de rang social. La théorie de base de ce rapport de dominance entre les animaux partait d'une observation chez les loups, qui a été démenti de tout au tout par son propre auteur, il y a bien des années déjà. Malheureusement, le mal a été fait et l'idée de dominance est restée dans les esprits. C"était parfait, cela nous donnait la permission de nous montrer abusif et violent envers les animaux, puisque "c'était dans leur nature". Bien entendu, il arrive que les chevaux se tapent entre eux, cependant, cela arrive après une série d’avertissements ou lorsqu’un cheval en bouscule un autre par exemple. De plus, les altercations escalades rarements à de la violence. Souvent on voit un coup ou une morsure et c'est terminé. Ce sont souvent des altercations qui ont rapports à une ressource (alimentaire, sexuelle, etc.) ou a une demande d'espace non respectée. Par parce que l'autre n'a pas voulu monter dans un van ou sauter tel ou tel obstacle.
Puis bon, on est supposément la race la plus intelligente et on se permet de se comporter comme des animaux, parce qu'eux aussi le font. Sincèrement, c'est assez léger comme raisonnement et ça ne démontre aucunement notre supposée intelligence suppérieure. Il me semble que cette intelligence pourrait plutôt servir à éduquer un cheval en utilisant des méthodes lui permettant d'apprendre et de comprendre ce qu'on attend de lui, plutôt que de le forcer.
L’ordre social entre les chevaux sert principalement à éviter la bagarre: tout le monde a son statu social et le respecte, en général, cela évite de la chamaille et c’est souvent lorsqu’un nouveau venu tente de changer son rang que la bagarre éclate. Il est assez rare que les chevaux en arrivent aux coups. Bien souvent, on assiste plus à des « menaces de », à des coups de pieds retenus ou de légères morsures. Les chevaux savent où vont leurs pattes et savent lorsqu'ils peuvent toucher ou pas. Ils sont également capable de contrôler leur force et de l'ajuster en concéquence de l'affront.
Dans tous les cas, ce n’est jamais parce qu’un cheval n’a pas voulu faire un joli déplacement latéral ou se déplacer à droite plutôt qu’à gauche, qu’un autre le mord. Il faut arrêter de se servir de cette excuse pour recourir à la violence. Bien entendu, un manque sévère de respect, voire un acte dangereux, peut justifier une défense de notre part, il ne faut pas non plus les laisser nous mettre en danger et nous avons le droit de défendre notre espace, lorsque nécessaire. La plupart du temps, comme un autre cheval le ferait, on peut avoir besoin d'effectuer de simples menaces pour que le cheval comprenne et s'éloigne. Il est assez rare qu'on ai besoin d'en venir à une punition physique, mais ça peut arriver. L'idéal est d'éviter de se mettre dans une situation dangereuse, mais parfois, "shit happens". Il est possible de découvrir un problème dans une situation nouvelle et de ne pas avoir pu le prévoir. La meilleure façon de réagir par la suite c'est de s'assurer de travailler le comportement dans un milieu sécuritaire pour nous et pour l'animal afin que cela ne se reproduise pas. Parce que chaque interventions négatives vous coute un montant relationnel.
Réservez l'usage des aversifs en cas de nécessité majeure, demandant une intervention immédiate. Si vous avez le temps ou la possibilité de travailler sans, évitez.
Pensez-y-bien, les chevaux « dominants » ne sont pas là que pour pousser tous les autres. En milieu naturel, les chevaux qui sont les plus hauts placés dans le rang social seront les premiers à aller boire, mais aussi les premiers à se faire attaquer, s’il y a quelque chose dans l’eau. Ce sont ceux qui portent la plus grosse charge sur leurs épaules. Ils sont un peu comme les éclaireurs du groupe: ceux qui se mettent en danger le plus souvent. C’est donc un rang qui comporte des avantages, oui, mais surtout, beaucoup plus de stress et de vigilence. Ce rang social est très important pour l’organisation du groupe, par exemple lorsque le troupeau est menacé. Ce sont les dirigeants qui ont la charge de repérer la menage, de protéger le troupeau et de le déplacer en lieu sure. Les autres vont simplement suivre. On peut également l’observer tous les jours, lors des déplacements quotidien du troupeau. Lorsque les guides changent de secteur dans le pâturage, il n’est pas rare que tous les autres le/les suivent. Pourtant, ce dernier ne les poursuit pas tête baissée pour les pousser, ce sont eux qui choisissent de le suivre. Il existe un lien de confiance très fort et s'il est brisé, un dirigeant perdra vite son rang social. C'est une sorte de contrat sociale, je te fais confiance avec ma vie, prend ton rôle au sérieux. Par contre, ce comportement de rassemblement peut être observé lors de l'arrivé d'un nouveau venu; un des guide part pousser le nouveau, se met entre lui et le membre de son troupeau et fait un demi-cercle autour du membre de sa harde pour le ramener vers le groupe. Ce comportement est naturel et peut être observé chez les juments, comme chez les étalons. Leur but étant de protéger l'intégrité de leur harde et ne pas risquer d'en perdre un membre.
Ce n’est donc pas qu’une question d’être le premier, celui qui décide ou le plus fort, c'est une position risquée qui implique des responsabilités envers tous les autres. Comme mentionné plus haut, rien n'est fixe, tout change, constamment. C'est ce qui explique que deux chevaux qui ne pouvaient pas se voir en peinture hier, mangent ensemble aujourd'hui et qui dans 2 mois peut-être ne passerons plus beaucoup de temps ensemble, tout en se tolérant. Observez les chevaux, rien n'est définitif, ils vivent au jour le jour. En matiné, ils mangent avec certains chevaux et en après-midi avec d'autres. Hier Stella et Harley s'aimaient bien, aujourd'hui impossible pour Stella d'approcher Harley. Ainsi va la vie.
Au final, on est pas un cheval et ils le savent. Il faut arrêter de se servir de ce genre d'excuse pour nous donner le droit d'abuser des chevaux. J'aime bien dire " si vous faite la même chose à un chien, trouverez vous toujours cela correct?", je suis certaine que la réponse serait non pour un chien. Alors, pourquoi est-ce acceptable pour un cheval? Ils ne font pas certaines choses pour nous "nianser" ou nous déplaire, il faut arrêter de justifier nos actions violentes par ce genre de raisonnement. Il est impératif d'apprendre à mieux comprendre les équidés dans leur propre language, mais aussi de comprendre comment fonctionne l'apprentissage du point de vue neurologique. Comment un animal apprend t'il? Qu'est ce qui le motive? Personnellement, j'aimerais que ce qui motive mon animal c'est le plaisir de travailler avec moi, plutôt que la peur. Mais le plaisir de travailler avec moi n'arrivera pas par magie, il faut trouver une récompense motivante pour cela. Parce que, même si j'aime mon travail, je ne le ferais pas sans avoir de paie à la fin de la semaine hihi! C'est pareil pour nos animaux. Quitter le confort du troupeau et sa nourriture pour aller travailler pour le plaisir de l'humain, bonjour le plaisir! Les animaux sont programmés pour faire ce qui est payant pour eux; pour leur survie et la survie de l'espèce. Alors, servons nous en à notre avantage, afin que eux, comme nous, y trouve du plaisir et de la satisfaction.