Je monte sans mors depuis très longtemps déjà. Cela date de mes débuts dans le monde équestre. Ma première petite jument avait du vécu et n'avait pas été écoutée lorsqu'elle en avait besoin. Elle a donc développée des problèmes de comportements qui ont fini en escalades entre elle et les gens qui la montait. On disait d'elle qu'elle devait être montée avec un hackamore très sévère, car elle n'écoutait pas sinon. La vérité était toute autre. La jument avait simplement développée un mécanisme de défense face au mors. Elle avait appris a tolérer la douleur et à mettre son poids dessus pour fuir les demandes de son cavalier. Chaque fois, ce dernier augmentait la force et la sévérité du mors. Mimi écoutait alors à la douleur et non pas avec un partenariat.
Lorsqu'elle est arrivée chez moi, la personne qui me coachait, à l'époque, a eu l'intelligence de me faire prendre un mors doux. J'étais une totale débutante, je n'avais pas les capacités de gérer un mors aussi sévère. Le problème? la jument faisait ce qu'elle voulait MDR! Mais j'ai appris, je l'ai écouté et elle a fini par comprendre qu'elle pouvait communiquer avec moi. On a tranquillement réussis à communiquer. C'était simple, avec elle, interdit de la brusquer, sinon elle se braquait et merci, bonsoir, elle prenait les commandes. Personne d'autre que moi n'était capable de la monter et ça faisait rager bien des gens, surtout ceux ayant plus d'expérience que moi. En vérité, dès qu'on essayait de la contrôler en tirant dans sa bouche, elle s'appuyait sur son mors et bye bye les commandes! Elle et moi avions établi un langage basé sur le mouvement des rênes, du corps et des jambes. En utilisant ce qu'on appel la "neck rein" en anglais et en terme western, on faisait ce qu'on voulait avec elle. C'était une petite jument sensible, intelligente et avec tout un caractère. Elle a toutefois été un professeur incroyable en plus d'être calme et confiante. On en a fait des choses elle et moi, elle m'a apportée partout et je pouvais 100% me fier à elle.
Mimi et moi, il y a bien des années
Même en ayant réussis à établir ce beau langage entre elle et moi, elle n'a jamais apprécié le mors. À un moment, je me suis simplement dit "et bien pourquoi le garder? Elle ne l'aime pas et je ne l'utilise pas". Alors il est parti petit à petit, jusqu'à ne plus jamais l'utiliser. Puis, Sonara est arrivée... et elle a fini de tout changer!
Sonara, elle, était une pouliche nerveuse, sensible et anxieuse (comme moi hihi) et elle m'a appris énormément sur la patience, la constance, la persistance et m'a obliger à revoir beaucoup de choses. Avec elle, je savais que je ne pourrais pas faire "n'importe quoi" ou j'allais la "gâcher". Elle explosait à un rien et devenait tellement émotive, qu'elle perdait tout contact avec la réalité. On a travailler tellement fort! Mais aujourd'hui, c'est la jument la plus fiable et la plus sécuritaire qui existe. Je n'ai aucun soucis à poser n'importe quel débutant sur son dos et le savoir en sécurité. Elle a appris à gérer ses émotions et à se rassurer toute seule. Bien sure, je suis son pilier et si je ne suis pas dans son champs de vision, elle n'est pas aussi calme. Je peux la confier à n'importe qui, mais je dois rester à proximité. Avec nara, on a atteint un niveau de communication assez impressionnant. Malheureusement, sa maladie chronique a fait que j'ai dû mettre fin à sa carrière sportive trop tôt. Mais elle continue de faire partie de ma vie au quotidien et elle promène maintenant des personnes légères en randonnées et les amènent toujours à bon port.
Sonara et moi en cordelette
Monter sans mors ne m'a jamais empêcher de faire quoi que ce soit. Ça n'a pas été plus compliquer de faire la même chose que tous les autres faisaient. Ça n'a absolument rien changé, mise à part peut-être un cheval plus heureux et capable de dire non s'il en sent le besoin.
J'ai monté plusieurs chevaux au cours de ma vie et dans les dernières années, tous les chevaux que j'ai monté, même s'ils n'étaient pas les miens, je les ai monté sans mors. La plupart étant monté principalement en mors. Jamais je n'ai eu de problème, même si c'était la toute première fois que je les montais. J'ai débouré plus d'un cheval sans mors, et encore une fois, je n'ai jamais rencontré de problèmes particuliers. Je dirais même que c'est plus facile sans mors.
Ganache et moi lors d'une de ses premières montes
J'avais donc envie d'attaquer quelques mythes à propos du sans mors.
Mythe 1: le sans mors est plus doux que le mors
C'est ce que beaucoup de gens qui montent sans mors se disent. Toutefois, ce n'est pas forcément vrai! Il existe une tonne d'outils qui ne sont pas des mors, plusieurs pouvant être extrêmement sévères!! De plus, l'ajustement de la muserolle sur la tête de votre cheval aura aussi un impact sur la sévérité de la chose. J'ajouterais qu'un mors doux, simple, bien ajusté (car oui, tout comme une selle, il faut choisir le bon type de mors, selon l'anatomie de la bouche de chaque individu), sur une bride bien ajustée et dans les mains d'un bon cavalier peut être tout aussi doux.
S'il est mal ajusté, par exemple, s'il repose trop bas sur le nez, il peut être très inconfortable. En effet, le bout de l'os nasal des équidés est très délicat et peut facilement se briser avec une forte pression. Il est donc important d'ajuster la muserolle à 2 doigts sous l'apophyse zygomatique et de s'assurer de ne pas trop la serrer. On doit pouvoir passer 1 à 2 doigts entre la muserolle et le cheval. Si elle est trop serrée, elle peut faire pression sur de délicats nerfs de la tête, en plus de bloquer une partie de la circulation sanguine.
La matière utilisée et la présence d'un effet de levier vont également faire une différence sur la sévérité de la muserolle. Une matière rugueuse ou inégale, par exemple, une corde de lasso, est plus sévère. Cette matière étant inégale, elle créer plusieurs petits points de pressions. Cela veut dire que la force exercée est répartie sur de petites surfaces disparates plutôt que sur une grande surface uniforme. Pour expliquer cela, il faut imaginer qu'on exerce la même force, mais qu'on la répartie sur une moins grande surface. La force qui y sera exercée y sera donc plus importante. Si on augmente la surface de répartition, la force y est plus diffusée et la force est donc moindre. L'effet de levier, quant à lui, va décupler la force exercée. Plus le levier est long, plus son effet est important. On calcule la force d'un levier par rapport à sa longueur vis-à-vis de son point de bascule. L'effet de levier, en plus de décupler la force, s'étend sur toute la tête. Plus l'objet est près du point de levier et que le bras du levier est long, après le point de levier, plus la force appliquée est décuplée. Lorsque la bascule du levier se fait, la gourmette sous le menton se tend et va appliquer de la force sur le nez, le menton et la nuque. Cette dernière étant une autre zone très sensible chez le cheval et par laquelle transite plusieurs nerfs faciaux, en plus des multiples muscles utilisés pour le mouvements des oreilles.
Surface lisse et large. Présence de matelassage, pas de levier, plus doux. Ajuster un peu trop bas toutefois.
Pas de levier, muserolle fine, ajustée trop basse, plutôt sévère.
Muserolle moyennement large, lisse, bien ajustée, mais languette avec effet de serrement sous la tête, moyennement sévère.
Muserolle texturée, branches moyennes, ajustée un peu trop bas, plutôt sévère.
Levier important, surface inégale et ajustement trop bas, très sévère
Surface fine, présence de nœuds stratégiquement placés sur des nerfs faciaux, bien ajustée, pas si doux.
Levier petit à moyen (selon l'ajustement), surface uniforme et moutonnée, faible à moyennement sévère.
Pour la suite, on parle des muserolles qui sont réellement douces.
Mythe 2: Pas de freins
Alors celui-là, je l'ai entendu tellement souvent. Pour une raison que j'ignore, les gens pensent que le contrôle provient du mors; de la force ou encore de la douleur qu'il peut créer. Bien que la plupart des gens refusent d'admettre que le mors cause bien souvent de la douleur, ils pensent dure comme fer qu'il leur offre plus de sécurité et de contrôle.
Je suis vraiment désolé de briser cette illusion, mais c'est totalement faux. Le nombre de personnes qui ont eux des accidents, même s'ils utilisaient un mors, est très élevé. L'équitation est un des sports les plus dangereux. En effet, il est un de ceux avec le plus haut taux de mortalités. Je peux vous assurer que les gens qui meurent ne sont pas tous des gens qui montent sans mors, je dirais même que les gens qui montent sans mors sont probablement les moins à risques.
La vérité, c'est que le contrôle et la sécurité ne proviennent pas d'une petite pièce de métal insignifiante, ni d'aucun autres types de matériels. Ils proviennent de la relation que vous avez établi avec votre compagnon. Et oui, la seule chose qui peut vous offrir plus de sécurité, c'est d'avoir bâtit une relation basée sur la confiance, le respect et la communication. Plus votre cheval vous fait confiance, plus il peut se reposer sur vous en cas de problème et moins il sera enclin à se "désorganiser" de façon dangereuse. Il n'existe toutefois pas de risque 0 en équitation. Le cheval est un animal grand et puissant, en plus d'être une proie. Ayant un cerveau qui lui appartient et la capacité de réfléchir, même le plus calme des chevaux
a la capacité de vous tuer. Gardez bien cela en tête!! Évitez de vous mettre dans des situations dangereuses et pensez à ce que ça implique de graviter autour d'animaux aussi gros. La prudence doit TOUJOURS rester dans votre tête.
Cela dit, c'est le travail que vous allez investir dans votre relation avec lui qui vous assurera plus de sécurité. Je vais marteler ce message encore et encore (désolé hihi). Bien qu'un mors plus sévère vous donne une impression de sécurité, si vous ne travaillez pas sur votre relation et que vous la basez sur la force, plutôt que la confiance, il y aura, un jour, quelque chose de plus important que la douleur. À ce moment, vous allez perdre le contrôle, "BIG TIME". Ce ne sera pas de la faute de votre cheval et ça ne fera pas de lui un cheval mauvais ou dangereux. C'est une proie, ses réactions sont inscrites dans son ADN. La seule chose qui permet d'en atténuer les effets, c'est une relation de confiance (et oui, je le dis encore).
Je n'ai jamais eu de soucis de contrôle sans mors, ni avec un mors (et je ne montais qu'avec des mors ultra doux). Ceci dit, je ne me met pas dans des situations dangereuses pour rien. Je réfléchi en amont aux dangers que pourraient comporter une situation. Par exemple, une sortie en forêt; possibilité de rencontrer des objets nouveaux, de croiser des animaux sauvages, etc. Je prend le temps de préparer mon cheval à ces éventualités AVANT.
Ganache et moi lors de notre première randonnée
Je me fais un point d'honneur à mettre mes animaux en situation de réussite. Je les préparent, en amont, pour les situations dans lesquelles je vais les mettre. Je prend aussi de petites bouchées et je respecte lorsqu'ils me disent que c'est trop pour eux. Toutes ces choses font que nous restons tous les deux en sécurité. Si toutes les expériences que je lui propose sont positives et qu'elle se sent toujours en sécurité, je construis une relation de confiance qui me permettra d'augmenter ma propre sécurité.
Mythe 3: Pas de précision
Une autre chose dont j'ai beaucoup entendu parlé, à propos du sans mors, c'est qu'on aurait pas une aussi bonne précision. Encore une fois, je vous assure que c'est faux. Ce qui est vrai, c'est qu'on ne peut pas "tricher". On ne peut pas forcer le cheval par la douleur, lorsqu'on utilise une bride douce. Il faut donc travailler correctement, et ce genre de travail, ça prend du temps. Ce n'est pas plus long que si le travail serait correctement fait avec un mors, mais la plupart des gens "trichent" et se servent de la force pour arriver plus rapidement aux résultats souhaités.
Un cheval qui cède à la main, sans demande dans sa bouche.
Le fait est que la précision provient de tout notre corps. Elle provient de notre assiette, de nos jambes et de nos mains. Mais ces aides forment un tout et chacune des composantes est également importantes. Je dirais même que la main est la moins importante et l'assiette la plus importante. La main est un support, elle encadre le cheval, mais elle ne le dirige pas. Pareil pour la jambe. C'est l'assiette qui est la maitresse.
Déplacements latéraux avec l'assiette en cordelette.
Monter sans mors nous force à devenir un vrai bon cavalier, car on peut moins se camoufler derrière des aides artificielles. Le niveau de communication qu'on peut développer est vraiment incroyable. Le cheval est un animal ultra sensible et il décèle et interprète le moindre petit changement de notre part. C'est incroyable d'expérimenter le tout.
Réalité 1: le mors est obligatoire pour la plupart des compétitions
C'est une problème que j'ai bien du mal à comprendre. Je ne comprend pas qu'est-ce que cela peut changer dans un contexte de compétition. Le fait est que, la plupart du temps, on nous sert des excuses bidons pour expliquer le fait que ce n'est pas accepté. La réalité c'est que le monde équestre est très retardé en terme de bien-être animal et ne possède pas beaucoup d'ouverture pour la progression et la modernisation. C'est un problème réel qui fait que, pour ma part, j'ai décidée de m'en éloigner. Je n'arrive plus à voir des animaux en douleurs et abusés gagner la première place dans une compétition.
Réalité 2: Le mors est fortement recommandé selon le code de la route au Québec
Ce guide a été écrit conjointement par Cheval Québec et le Ministère des Transports, il n'est donc pas surprenant que la mentalité y soit arriérée, Cheval Québec est bien connu pour cela. La plupart des gens qui montent sans mors le font, bien souvent, de façon beaucoup plus sécuritaire et représente un moins grand risque pour la sécurité des autres usagés. Mais bon, le domaine équestre progresse à pas de tortue, c'est effroyable. Le seul moment où je me sois fais embarqué par un cheval en balade, j'avais un mors!
Réalité 3: Le mors est très encré
La plupart des cavaliers ont bien du mal à se défaire de leur attachement au mors, ainsi que de leurs faux sentiment de sécurité. Ce mythe est encré très profondément dans la culture équestre. L'idée fait son chemin, mais les réticences sont encore très importantes. Les gens manquent également cruellement d'éducation face au mors. Ils ne comprennent pas bien les répercussions qu'il peut avoir dans la bouche délicate d'un cheval. Il y a toute une science derrière le mors et il demande un ajustement précis, au même titre qu'une selle. Le manque d'éducation face aux différents types de mors et de leurs effets cause des problèmes de bien-être pour nos compagnons. Il ne suffit pas de choisir n'importe quel mors qu'un ami ou un entraineur recommande, il faut vérifier la forme des barres de notre cheval, la grosseur de sa langue, la largeur de sa bouche, la forme de son palais, la présence de dents de loup, etc. Selon ces informations, il faudra choisir le bon type d'embouchure, soit en fonction de sa largeur, de la taille de son canon, du nombre de brisure, de la matière dont elle est composée, etc.
Le mot de la fin:
Si vous souhaitez continuer de monter avec un mors, s'il vous plait, éduquez vous et assurez vous que l'ajustement est parfait pour la bouche de votre cheval. Il existe des professionnels, au même titre que des selliers, qui analyse la bouche de votre cheval et vous recommande ensuite la meilleure embouchure pour lui. Toutefois, ouvrez vos horizons et défaites vous de vos préjugés face à la monte sans mors. Le fait est que, la plupart des cavaliers qui n'utilisent pas de mors sont plus en sécurité que vous. Cessez donc de les juger, gardez vos commentaires négatifs ou rabaissant pour vous et acceptez leurs différences. Ces personnes ont fait un important travail pour en arriver là et ce n'est pas juste de les diminuer. J'ai moi-même fait face à beaucoup de raillerie ou de commentaires assez méchants, parce que j'avais fais le choix de me passer du mors. J'ai aussi beaucoup jugé ceux qui restaient dans leurs vieilles mentalités. Le monde équestre est un monde très dure et les cavaliers sont souvent très campés sur leurs positions. C'est soit tout noir, soit tout blanc et les gens se divisent... Il y a les traditionnels et les nouvelles écoles. Je dirais même qu'il y a les traditionnels, les "éthologie" populaire et le petit nombre qui se base sur la science. Ça peut devenir parfois très dure d'évoluer dans un monde aussi divisé et dogmatisé. Côtoyer des gens différents dans leur approche fait se remettre en question certains de ses principes et c'est parfois douloureux. Parfois, ce genre de rencontre fait qu'une personne peut se sentir "menacés" dans ses méthodes et ses convictions. Personne n'a réellement envie d'être mis face à face avec ses erreurs ou de se sentir comme si elle avait fait de mauvaises choses. Toutefois, tout le monde commence à la même place, la plupart des cavaliers "sans mors" sont passés par les mêmes étapes. On a tous fait des erreurs, on les a vue, on les a acceptés (plus ou moins) et on a décidés de changer des choses. Du côté des cavaliers sans mors, juger ceux qui montent avec est tout simplement contre productif. Semez de petites graines de façon bienveillante, mais ce n'est pas en les attaquant ou en les diminuant qu'ils vont avoir envie de changer. Si c'est trop difficile à regarder, partez. Si mon expérience m'a permis d'apprendre quelque chose, c'est que vous pouvez mettre toute votre énergie pour les faire changer, ça ne fera aucune différence et vous finirez épuisé. Malheureusement, on ne peut pas changer tout le monde. Semez de petites graines de bienveillance ici et là et laissez les germer. Certaines vont germer, d'autres pas, mais ça, c'est ça la vie. Il faudrait arrêter de se jeter la pierre un et l'autre et commencer un vrai dialogue pour le bien des équidés. Au final, c'est surtout au cheval qu'il faudrait donner "la parole" et l'écouter. C'est lui le plus important dans cette histoire.